qui sommes nous

En 2005 Peter Plant, référence pour les professionnels européens de l’orientation, publiait un article (traduit en 2017) intitulé Green Guidance. Il était résumé ainsi :

Avec le réchauffement global et les problématiques environnementales, de nouveaux concepts en orientation sont nécessaires pour revisiter les théories et les pratiques traditionnelles individualistes du développement de carrière. Les enjeux sont nombreux. La « Green Guidance » propose d’élargir la perspective du choix de carrière : quel est l’impact environnemental d’un parcours professionnel individuel ?

Si cet article a eu un impact limité dans un premier temps, ce qui pouvait paraître comme utopique est aujourd’hui au cœur de l’actualité mais également des préoccupations de politique publique nationales et européennes. Mais, au-delà des seuls impacts environnementaux ou des transformations de l’économie et du développement de métiers dits « verts », c’est bien la question de l’articulation entre monde durable et justice sociale qui s’affine progressivement. Jean Guichard, dans une série d’interventions remarquables en 2018 nomme un impératif : « Préparer les personnes et les collectifs à construire des vies actives contribuant à un développement équitable et durable ». Mais il va plus loin.

« Les interventions d’accompagnement à l’orientation peuvent-elles encore se limiter à aider les personnes à construire des perspectives d’avenir donnant aujourd’hui sens à leur existence sans se demander par quelles vies actives elles pourraient contribuer à un développement humain, durable et équitable ?

Ainsi, parler de Green Guidance, ce n’est pas se préoccuper uniquement des transformations de l’économie vers des activités plus durables ; ce n’est pas uniquement choisir son entreprise en fonction des labels « green » qu’elle affiche (même si ces deux aspects sont importants), c’est aller un peu plus loin en posant une question plus large… En quoi les choix de carrière individuels sont susceptibles d’initier des transformations vers une économie plus soutenable générant une plus grande justice sociale ? En somme faire le lien entre décisions individuelles et impacts inclusifs : puisque nous modifions progressivement nos usages quotidiens (consommation énergétique, tri des déchets, investissements d’épargne éthique), nous n’aurions pas à réfléchir aux impacts de nos choix de vie professionnelle ? N’y a-t-il pas là une clé de transformation décisive pour notre monde commun ? N’y a-t-il pas à développer une conception transformatrice de l’orientation qui ne se résume pas aux questions de réussite et d’épanouissement individuels ? Mais plus largement, le modèle économique qui détermine et organise les parcours professionnels ne peut-il pas lui-même évoluer sous l’impact des choix individuels ? Autant de questions certes vertigineuses mais passionnantes.

Depuis septembre 2023, nous avons initié un groupe national « Green Guidance – vers des vies professionnelles soutenables » qui explore et documente plusieurs sujets.

• Le monde du travail (emplois, métiers, contextes de travail) : comment cette dimension est-elle abordée et prise en compte ? ;
• Les parcours professionnels : quel est l’impact des préoccupations environnementales sur la conception des vies professionnelles ? Quelle est la place de la réussite individuelle au regard des enjeux collectifs, inclusifs et planétaires ? ;
• L’accompagnement des personnes : quelle prise en compte des enjeux de soutenabilité et de justice sociale dans l’activité de conseil et d’accompagnement des personnes ? Quelles conséquences en termes de posture, d’outils et de méthodes ?

Ce groupe de travail s’est investi dans 3 chantiers :

• La constitution d’une base de ressources afin de documenter la thématique, tant en termes de recherches universitaires, d’études que de pratiques sociales citoyennes.
• Le recueil et l’analyse du point de vue des professionnels du champ orientation-Formation-Emploi sur cette question à partir d’un questionnaire permettant de préciser leurs besoins et attentes et les éventuelles pratiques
• L’identification des modalités de sensibilisation du public et des professionnels (fresques du climat et différentes variantes, le travail des Shifters) et des techniques d’intervention (comme les outils développés par Shekina Rochat à L’Université de Lausanne ou encore  Sabrina Tacchini et ses collègues (Slow ta carrière) afin de connaître, construire et développer des initiatives sur ce champ.

Les productions du groupe sont aujourd’hui bien avancées non pas comme des documents ou ressources figées mais bien comme des esquisses de travail à discuter. Cette 1ère rencontre poursuit plusieurs objectifs :

• Sensibiliser les professionnels et les structures à ces questions de « soutenabilité des vies professionnelles »
• Partager les résultats de nos travaux et les mettre en discussion
• Montrer les différentes facettes convoquées par la problématique
• Permettre aux participants de découvrir et faire l’expérience de modalités de sensibilisation ou d’outils de réflexion et de tracer collectivement des perspectives de travail pour les mois à venir. La dimension participative est privilégiée, à la fois par la proposition d’expériences à vivre et par un format de laboratoire d’initiatives permettant de co-construire des perspectives, tant éthiques que méthodologiques.

En ces périodes de tensions multiples, où nos vies sont chahutées et incertaines nous reviennent en mémoire les propos de Marc-Henri Soulet, sociologue qui a partagé une de nos rencontres qui écrivait en 2017 : « Les sciences humaines et sociales… se sont construites sur les idées de stabilité et de prévisibilité ; elles ont cherché des régularités, à défaut de lois.  Les voilà bien déroutées. … Il leur faut apprendre à penser ce qu’est vivre avec l’incertain… ». Alors, vivre avec l’incertain et l’imprévisible ?